Pavés de Bruxelles

Pavés de Bruxelles

Comme la bière ou le chocolat, le pavé est une spécialité belge. Provenant des carrières wallonnes il a été posé dans toutes les villes. Servant de lest aux navires partant à vide d’Anvers, on le retrouve dans les rues de Brooklyn ou de Porto-Rico. Ce livre, de la taille d’un pavé, en retrace l’histoire, de l’extraction de la pierre à sa pose en voirie. Concurrencé par l’asphalte, ses nombreuses qualités (durabilité, plus-value patrimoniale…) font qu’il a néanmoins encore de beaux jours devant lui. La publication s’adresse aussi bien aux amateurs de curiosités patrimoniales, aux arpenteurs des rues du monde qu’aux architectes, ingénieurs, élus et bureaux d’études en quête d’une connaissance approfondie sur la pierre naturelle en voirie. La riche iconographie de l’ouvrage (plusieurs centaines de photographies et de très nombreuses images d’archives) donnera la possibilité aux professionnels et aux amateurs d’acquérir la capacité de distinguer les spécificités d’un patrimoine urbain, fruit d’une histoire sociale et industrielle qui mérite une réhabilitation.

Pavés de Bruxelles

A l’instar des beffrois, de la bière et de Tintin, le pavé incarne la Belgique et Bruxelles. Les artistes et en particulier les photographes, de Léonard Misonne à Cas Oorthuys, en passant par les cinéastes, les auteurs de polars avec Simenon et les photographes de mode, ne s’y sont pas trompés, mettant en scène la vie urbaine sur fond de pavés luisant sous la pluie. De Rome, Lisbonne, Bologne,… les touristes expédient des cartes postales représentant des arabesques pavées. La nostalgie du Paris pavé,  véhiculée dans la mémoire collective par les chansons populaires du début du microsillon, par les photographies de Robert Doisneau, par le slogan « sous les pavés la plage »… paraît plus vivante que dans Bruxelles où ils existent pourtant encore.

On va chercher ailleurs une identité qui est là, sous nos yeux, délaissée au motif qu’elle chatouille les amortisseurs de nos monstres de métal. Pourtant l’Enfer du Nord génère aussi des légendes.Le ventre géologique du pays s’est creusé au XIXe siècle de carrières phénoménales, canyons d’une industrie mécanique titanesque sous la poussière de laquelle des ouvriers extrayaient, taillaient, épinçaient et triaient ces cubes de pierre qui ont servi de ballast aux navires en partance pour les États-Unis.  Avec les tramways, les aménageurs avaient oublié les pavés, sacrifiés sur l’autel de la modernisation, du confort, de la facilité, du court terme et de la banalisation… On les retrouve aujourd’hui dans les rues de Brooklyn, sous le nom de « Belgian blocks » !
La pierre naturelle possède une texture particulière et existe dans une grande diversité de tailles et de couleurs. Les modes de pose dessinent une tapisserie qui ne doit rien au hasard : les bordures de trottoirs délimitent deux usages différents : piéton d’un côté, carrossable (et donc solide) de l’autre. Les filets d‘eau forment un liseré, les lignes d’appareillage, variables selon le type d’espaces, concourent à la trame visuelle de la ville. Le pavé luit sous la pluie. Il fait vibrer la lumière selon l’orientation des pierres, leur texture, les nuances de teintes et de patine. Il convoque un savoir-faire spécifique et multigénérationnel.

 

C’est en étant profondément local qu’on atteint l’universel.

Le texte d’André Vital (inventaire des rues pavées de Bruxelles), de Francis Tourneur (production de pierres naturelles), d’Hubert Deferm (techniques de pose) et d’Anne Van Loo (dimension patrimoniale des pavés) s’attacheront à mettre en lumière ces qualités.
Les pavés de Bruxelles ne constituent pas seulement un exceptionnel héritage historique ; leurs qualités intrinsèques en font également un matériau d’avenir. Les revêtements pavés offrent de multiples avantages : la pierre est un matériau endogène, recyclable (et donc durable), quasi inusable, doté de qualités thermiques et encourageant la modération de la vitesse automobile. Ces aspects seront plus particulièrement abordés dans les contributions de Daniel Roggeman (écobilan des pavés) et de Nicolas Scherrier (réemploi des pavés).
L’usage de la pierre naturelle en voirie comprend également une dimension sociale, partie intégrante du concept de durabilité : les réflexions de Guido Vanderhulst (opportunité d’emplois) et de Patrick Wouters (projet de société durable) viendront le rappeler.
Malgré ces indéniables qualités patrimoniales, environnementales et sociales, les pavés de Bruxelles font face, sur le terrain, à des renoncements, des abandons : l’asphaltage progressif de certaines voiries entraine une perte de qualité et de cohérence via la banalisation dommageable de nombreux espaces publics.
Ailleurs, c’est le recours à la pose de pavés sciés qui pose question, tant en termes patrimoniaux qu’environnementaux.
Quelle est la motivation de ces changements ? Les textes de Jean-Pierre Demeure (Ville de Bruxelles) et de Francisco Guillan y Suarez (Région de Bruxelles-Capitale) apporteront des éléments de réponse à cette question.
Convaincu qu’il est possible de trouver des compromis qui satisfassent tous les usagers ainsi que l’intérêt général, l’ARAU a voulu mettre en valeur le pavé de Bruxelles, matériau trop souvent dénigré car méconnu. Il s’agit de montrer, y compris aux responsables chargés des aménagements urbains, que « La pierre n’est jamais un mauvais choix qualitatif, pour autant qu’elle soit correctement prescrite et mise en œuvre[1]
Cet ouvrage vise à aider à reconnaître et identifier les différents types de pierre et leur provenance. C’est pourquoi nous l’avons voulu richement illustré. Vous ne regarderez plus jamais un trottoir de la même manière.

[1] Demanet Marie et Majot Jean-Pierre, Manuel des espaces publics bruxellois, Bruxelles, IRIS éditions, 1995.

Pavés de Bruxelles, dirigé par Marion Alecian et Isabelle Pauthier de l’ARAU, AAM Éditions, 521 p., 24 €. ISBN : 978-2-87143-308-8.

Disponible en libraire
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