La chaussée de Waterloo doit entrer dans un nouveau chapitre de son histoire !

La chaussée de Waterloo doit entrer dans un nouveau chapitre de son histoire !

L’avenir de la chaussée de Waterloo et des accès au bois de la Cambre repose sur la compréhension de l’évolution de cet axe majeur pour la Région. Le futur de la plus longue artère bruxelloise doit renouer avec son urbanité et sa fonction de liaison, en redonnant au tram toute son importance.

L’histoire et l’identité du tronçon ucclois de la chaussée de Waterloo (entre la chaussée de Vleurgat et Rhode-Saint-Genèse) sont intimement liées à sa proximité avec le bois de la Cambre (et la forêt de Soignes), et à la fonction récréative que présentent depuis longtemps ces lieux aux yeux des Bruxellois.

En septembre dernier, l’ARAU s’est clairement positionné en faveur de la fermeture du bois de la Cambre au trafic automobile, décidée par la Ville de Bruxelles. Il est en effet important de rappeler que le bois est avant tout un espace vert (et doit donc offrir calme, air pur, etc. à ses usagers) et non une autoroute urbaine. Force est toutefois de constater que la plupart des réactions à cette fermeture posent la question du trafic automobile et des embarras de circulation qui allaient « forcément » découler de cette mesure. Le débat politique est aujourd’hui entièrement centré sur des questions de circulation. La récente décision de justice obligeant la Ville à rouvrir le bois à la circulation automobile n’a fait que raviver le conflit entre les partisans et opposants à la fermeture du site au trafic. En particulier, les craintes s’expriment au sujet du tronçon ucclois de la chaussée de Waterloo.

chaussée waterloo
La chaussée de Waterloo à hauteur de la rue René Gobert (photo ARAU)

Il faut en effet constater que, avant même la fermeture du Bois, la chaussée est déjà une artère posant question. Axe historique de pénétration vers Bruxelles, elle constitue toujours aujourd’hui une importante entrée de ville mais aussi un point noir en termes de mobilité, surtout aux heures de pointes. Il est donc nécessaire de prendre des mesures visant à éviter un report du trafic du bois vers la chaussée et les quartiers voisins. Celles-ci doivent notamment donner la priorité au renforcement de la desserte en transports en commun. Or, à l’heure actuelle, à l’exception des lignes des compagnies TEC et DeLijn (dont les fréquences sont assez aléatoires – à cause du trafic automobile – et les horaires mal coordonnés), aucune ligne de transport en commun efficiente (et qui permettrait un report modal vers les TC) ne parcourt entièrement la chaussée et ne dessert de manière attractive les accès au bois.

 

L’ARAU se positionne donc en faveur d’un retour du tram, majoritairement en site propre, sur la chaussée de Waterloo, qui permettrait de faciliter l’accès au bois et au sud de la Région, et d’inciter les navetteurs à abandonner leur voiture bien en amont.

L’ARAU avancera prochainement des propositions concrètes pour le retour d’un tram sur la chaussée. Mais avant cela, il est important de replacer la chaussée de Waterloo (et surtout son tronçon ucclois) dans son contexte. Cette chaussée fait partie d’une famille particulière d’axes au sein de la Région de Bruxelles-Capitale : celle des grandes chaussées historiques qui, partant du Pentagone, traversent toute la région pour se prolonger vers une série de villes du Brabant mais aussi de la Belgique entière. Aujourd’hui, ces chaussées sont parmi les principaux axes de circulation dans/vers/depuis Bruxelles.

Le tronçon ucclois de la chaussée de Waterloo est mentionné dès le 14e siècle. Celle-ci est alors le principal axe de communication entre Bruxelles, le Hainaut et le Namurois, d’où son nom de « chaussée wallonne » (Waelsche Weg). De par cette ancienneté, et à l’instar des autre chaussées historiques, elle est l’axe structurant du développement des premiers faubourgs. En effet, sur son parcours, se développent initialement plusieurs hameaux (Vert Chasseur, Vivier d’Oies, Langeveld, Petite Espinette…), souvent établis autour d’une auberge ou d’un relais, dans les clairières de la forêt de Soignes. Il faut attendre d’importants défrichements au 19e siècle pour que ces hameaux sortent de leur isolement et que les espaces entre ceux-ci soient peu à peu comblés par l’urbanisation croissante.

 

La présence du tram vicinal, couplée au développement d’une certaine forme de « tourisme » à Uccle va accélérer le mouvement. La chaussée constitue alors l’épine dorsale de la croissance urbaine au sud-est d’Uccle.

La chaussée de Waterloo est aussi le support d’une mixité fonctionnelle fondamentalement urbaine, qu’elle conservé aujourd’hui. A l’instar d’autres chaussées bruxelloises, il s’agit toujours d’un important lieu d’échange, tant à l’échelle des quartiers que de la Région elle-même, en concentrant de l’habitat, des équipements publics (nombreuses écoles et infrastructures sportives) et du commerce. Axe commercial historique, la chaussée comporte plusieurs noyaux commerciaux sur son tracé, qui correspondent, la plupart du temps, aux emplacements des anciens hameaux.

Cette mixité fonctionnelle, couplée à une circulation interurbaine qui leur est propre, ont également suscité l’apparition d’une certaine forme d’espace public : héritage du 19e siècle, il est conçu pour supporter une circulation piétonne, des véhicules à traction animale, puis automobile (en nombre toutefois assez réduit), ainsi que des tramways urbains et/ou vicinaux. La chaussée accueille d’ailleurs la première ligne vicinale électrifiée, dès 1894 ! Progressivement prolongée vers Rhode-Saint-Genèse, Waterloo, Braine-l’Alleud et Wavre, elle connait un franc succès tout au long de son service. Il s’agit d’ailleurs de la ligne la plus rentable pour la SNCV.

Le terminus du tram vicinal à la Petite Espinette, début 20e siècle (source : Collection Belfius Banque-Académie royale de Belgique © ARB – urban.brussels).

Cette diversité des modes de déplacement implique une diversité des usages des chaussées. On peut estimer que la chaussée de Waterloo accueille, historiquement, une mobilité tant « utilitaire » que récréative : le vicinal est par exemple emprunté tant par les écoliers, employés et ouvriers qui rejoignent leur travail, que par des excursionnistes et touristes qui se rendent au bois de la Cambre, en forêt de Soignes ou sur le champ de bataille de Waterloo.

 

L’espace public de la chaussée est donc historiquement un espace public « partagé » qui, malgré sa grande adaptabilité, n’a pas initialement été conçu pour subir l’augmentation de la pression automobile propre à la seconde moitié du 20e siècle.

Cette évolution favorable à la voiture a clairement été défavorable, sur les chaussées, au maintien des trams et a aussi causé une forte dépréciation de certains de ces axes devenus moins propices à l’habitat et à la chalandise. Cette pression automobile va d’ailleurs sonner le glas des tramways urbains, et surtout des trams vicinaux, au lendemain de la guerre. Les transports en commun sont alors vus comme obsolètes et les investissements sont prioritairement destinés aux infrastructures routières (le sud de la chaussée de Waterloo acquiert alors un profil autoroutier). Les lignes de trams sont remplacées par des bus, moins couteux en termes d’infrastructures, plus flexibles et moins encombrants pour le trafic automobile. Dans les années 60, le vicinal de la chaussée de Waterloo laisse ainsi la place à une ligne de bus. Aujourd’hui, seuls les bus des compagnies TEC et DeLijn parcourent encore intégralement la chaussée, ce qui souligne encore le rôle de liaison interrégionale de la chaussée, qu’elle a conservé au fil des siècles.

Les différentes lignes de transports en commun sur la chaussée de Waterloo (source : La mobilité au sud d’Uccle – chaussée de Waterloo http://users.skynet.be/boisdeverrewinkel/mobilite/html/7-demain-1-waterloo.htm).

Aujourd’hui, le bois de la Cambre constitue indéniablement un lieu de destination, de promenade et de récréation pour tous les Bruxellois. La chaussée accueille toujours des équipements scolaires et sportifs, et les noyaux commerçants sont toujours actifs. Toutefois, la disparition du tram a sans doute constitué une perte de liens entre ces équipements et noyaux commerciaux, mais aussi entre communes, et finalement une perte d’intérêt pour cet axe et son potentiel urbain pour les Bruxellois. Force est de constater que les transports en commun actuels peinent à recréer ces connexions. A cela s’ajoute la menace que constitue la pression automobile pour l’habitabilité de la chaussée : la prédominance de la voiture exclut en effet une série d’usagers : celle-ci est par exemple peu empruntée à pied par les riverains.

L’ARAU reviendra donc prochainement avec une proposition de retour du tram, afin de contribuer à faire des transports en commun la solution la plus efficace pour se déplacer dans Bruxelles, ce qu’ils étaient grâce à l’étendue et la densité de leur couverture et par le fait qu’ils n’étaient pas soumis au diktat d’un lobby automobile. .

 

La voiture ne doit pas être considérée comme une « solution » apportée, dès les années 50, à une carence dans l’efficacité du réseau de transports publics, elle n’est pas mois que la cause de cette carence ! Dès lors, il est logique que si l’on souhaite mettre en place des transports publics plus efficaces, c’est d’abord sur la présence automobile qu’il faut agir (pour le limiter), et non l’inverse : il est illusoire d’attendre qu’il diminue de lui-même !

La fermeture du bois, et les volontés (exprimées notamment par les automobilistes et leurs défenseurs) de proposer des alternatives créent aujourd’hui un momentum propice à la réflexion sur le retour du tram.