Réaménagement de la Porte de Ninove : encore un projet routier

Réaménagement de la Porte de Ninove : encore un projet routier

Deuxième phase du plan de réaménagement de la Petite ceinture Ouest, le projet de réaménagement de la Porte de Ninove est avant tout un projet routier à la conception fonctionnaliste. En contradiction avec les objectifs de la Région en matière de réduction de la pression automobile, il ne ferait que renforcer la barrière mentale entre Bruxelles et Molenbeek. Comme si cela ne suffisait pas, son approche paysagère est particulièrement incongrue : minéralisation, butte artificielle et abattage de platanes !

Mêmes causes, même effets qu’à l’avenue du Port ?

Le réaménagement de la Porte de Ninove s’inscrit dans le projet global de « Réaménagement de la Petite Ceinture Ouest sur le territoire de la Ville de Bruxelles et de la commune de Molenbeek-Saint-Jean» financé par l’accord de coopération Beliris (entre la Région et l’Etat). Le bouclage de la petite ceinture Ouest est prévu dans le projet de Plan de déplacements de la Ville de Bruxelles depuis 1998. Le projet prévoit l’aménagement d’un parc et des espaces publics environnants entre l’écluse de Molenbeek et le début de la rue des Fabriques et concerne donc la zone : Boulevard de l’ Abattoir – Porte de Ninove – quais de l’Industrie et de Mariemont, place du Triangle, chaussée de Ninove, rues du Rectangle et Delaunoy.

En novembre 2007, la première partie du projet a été soumise à enquête publique et passait en commission de concertation sur base d’un Master Plan réalisé en 2004, Master Plan qui est en partie trahi ici de manière non motivée. Des travaux ont été réalisés entre la Porte de Ninove et la place Sainctelette, côté Molenbeek, et ils sont en cours côté Ville de Bruxelles. Le phasage a permis aux travaux de débuter dès l’obtention du permis portant sur cette première portion de la petite ceinture Ouest.

Un projet fonctionnaliste dans sa conception

Les choix effectués pour le réaménagement de cet espace public posent question. Ils s’inscrivent en effet dans une conception fonctionnaliste qui privilégie la séparation des circulations dans le but de favoriser le trafic automobile (trafic de transit, navette).
Les principales victimes seront les piétons, dont les déplacements ne sont pas naturels et, au contraire, très contraints par les aménagements envisagés. Les voies de tram, qui traversent le parc, parti pris très risqué, sont entourées de barrières qui créent de grandes coupures et imposent des détours aux piétons. Alors qu’il était possible de mettre les trams sur les voiries chaussée de Ninove ou d’y réduire le nombre de bandes au profit du transport public !

Le projet prévoit (encore) une passerelle, comme celle qui est en cours de construction entre la rue sainte-Marie (le métro Comte de Flandre) et la rue Locquenghien. Les passerelles visent surtout à éloigner les piétons du parcours fluide et rapide des automobilistes, sur base du bon vieux principe de la séparation des circulations, cher aux fonctionnalistes de tous poils et à leurs amis couleurs de béton. Peu leur importe que les piétons soient battus par le vent et les intempéries ou que la passerelle mène, comme c’est le cas ici, de rien à nulle part (car elle n’est pas située dans l’axe de deux rues).

On peut s’étonner que le projet ne semble pas s’insérer dans le contexte environnant et, même, ne prenne pas en considération des changements de sens unique récents.
On se posera avec intérêt la question de l’insertion du projet dans une étude de mobilité à plus grande échelle. La petite ceinture Ouest, actuellement classée comme voirie principale au Plan Régional de Développement ne tendrait-elle pas à faire l’objet d’un « surclassement de fait » et à devenir une voirie métropolitaine ?

Autre gros point noir : l’incertitude qui pèse sur l’affectation de deux zones triangulaires situées au milieu du projet de réaménagement et qui devrait accueillir d’ici 2014 deux tours de 17 et 30 étages comportant bureaux, commerces et logements. On est en droit de se demander comment les gabarits projetés vont interagir avec l’espace public…
Entre ces deux immeubles, les auteurs du projet casent autant de bandes de circulation que possible (trois pénétrantes et deux sortantes), deux trottoirs quand même et des pistes cyclables. Il est à craindre que le résultat ressemble davantage à la rue Belliard qu’à une voirie de desserte locale (accompagné des nuisances sur la fonction d’habitation que l’on peut imaginer).

Une approche paysagère particulièrement incongrue : minéralisation, butte artificielle et abattage de platanes !

Le projet de réaménagement prévoit l’abattage d’une trentaine de platanes situés le long du canal.
Cet abattage est totalement inutile : ces arbres peuvent parfaitement être intégrés dans le parc qui est destiné à prendre place sur le site.
La seule raison invoquée pour leur abattage réside dans l’élévation d’une butte artificielle qui aurait pour autre effet indésirable de masquer la vue du canal alors que le projet de réaménagement a pour objectif « d’intégrer l’élément « eau » dans la ville et revaloriser le canal de Bruxelles »…
Sans compter que le PRD demande de « respecter les perspectives et les paysages urbains » et non pas d’inventer de nouveaux reliefs.

Le projet implique une minéralisation excessive et sans doute contre-productive dans cette zone qui constitue le point le plus bas de Bruxelles. Chaque averse laisse une vaste flaque Porte de Ninove.
Le revêtement jaune envisagé est également incongru (à moins qu’il ne s’agisse d’un jaune « mangue » qui répondrait à un souci de cohérence avec la parure des nouveaux taxis bruxellois).

Conclusion

L’aménagement de la Porte de Ninove est cohérent avec le projet d’aménagement en cours de réalisation le long  du canal et le projet d’aménagement prévu pour l’avenue du Port.
Tel quel, les mêmes causes sont susceptibles de produire les mêmes effets : insatisfaction des riverains et perspectives routières.

Il s’agit de projets d’aménagements routiers qui visent, non pas à réduire la pression automobile, comme prévu par le plan Iris II, qui s’impose aux aménageurs publics, mais à faciliter le trafic de transit et la navette, rejetés sur ce « petit ring ouest » au détriment de ses riverains. En tant que tel, il ne réduira pas la barrière que constitue le canal, mais va, au contraire, l’accentuer.

L’ARAU demande une réunion publique d’information qui compare le Master Plan de 2004 et le projet actuel et motive les changements. Il n’est pas exclu que des choix de l’époque étaient plus judicieux, en particulier pour ce qui concerne le parcours du tram.

Il est certes temps d’avancer Porte de Ninove mais avec un projet amendé sur les points principaux suivants :

  • moins de pénétrantes,
  • garder les platanes dans un projet paysager plus fermé,
  • supprimer cette butte qui n’a pas lieu d’être,
  • remettre les trams sur les voiries ou à la place d’une partie des bandes de circulation,
  • rendre plus fluides les circulation piétonnes et cyclistes.