A partir d’une enquête publique récente sur un énième projet immobilier de logements étudiants avenue de la Couronne 504-514, et dans un contexte de multiplication de ce type de grands projets de résidences étudiantes portés par la promotion immobilière privée qui impliquent bien souvent d’importantes démolitions, l’ARAU demande à la Région de se pencher sur une ordonnance « logement étudiant ». Son but ? Réguler très clairement les loyers des kots et faire participer la promotion privée à la création de logements étudiants accessibles à tous. Car Bruxelles a certes besoin de plus de logements étudiants, mais surtout de logements étudiants abordables !
À Ixelles, l’avenue de la Couronne et ses abords directs sont, depuis plusieurs années déjà, le théâtre de grandes opérations immobilières. Le pitch ? Construire en masse des logements étudiants, dont Bruxelles manque cruellement. A l’heure actuelle, l’offre de logements étudiants n’évolue pas aussi vite que la population étudiante : en effet, entre 2011 et 2021, celle-ci a cru de 45%.
Le 27 novembre dernier à Ixelles, la Commission de Concertation a dû s’exprimer sur un vaste projet de construction de 92 logements étudiants, en lieu et place d’un garage, d’un magasin de pneus et d’un car-wash, lesquels seront totalement démolis (504-514 avenue de la Couronne). Dans ce projet de kots, comme dans la majorité de ceux qui l’ont précédé, les loyers qui seront (ou sont déjà) pratiqués excluront a priori les étudiants les plus précaires, grands oubliés de ces opérations immobilières. Pour pallier ce problème d’ampleur régionale (si pas métropolitaine), l’ARAU demande à la Région de prendre ses responsabilités et de se pencher sur une ordonnance « Logements étudiants », laquelle devra favoriser la mise à disposition de logements étudiants abordables, en mettant à contribution tant le public que le privé.
Des solutions structurelles doivent être trouvées pour favoriser la production de logement étudiant abordable, et le conventionnement d’une partie du parc existant. Sous la législature actuelle, la problématique n’a presque pas été prise en considération par le gouvernement, comme le rappelaient les auteurs du Position Paper du BSI. Certes, depuis 2016, il existe bien une Agence Immobilière Sociale Etudiante (AISE), mais qui ne gère, en 2023, que 362 logements, et ce pour une durée limitée (bien que ces « contrats de gestion » soient reconductibles) .
Il est donc temps que les autorités publiques bruxelloises prennent le problème à bras-le-corps. L’offre de logements étudiants abordables doit être élargie, tant par la mise en place de projets publics, que par la participation du secteur privé.
A cet effet, l’ARAU demande au Parlement de la Région bruxelloise de se pencher sur une ordonnance « logement étudiant », laquelle devra mettre l’accent sur :
- Un mécanisme de création de logements étudiants à caractère social, porté par le public (avec une attention portée sur la réhabilitation des bâtiments de bureaux, plus aptes à être reconvertis en résidences étudiantes qu’en logements « familiaux) ;
- L’encadrement général et structurel des loyers des logements étudiants, y compris dans les projets privés ;
- La construction, dans les projets privés d’une certaine proportion minimum de logements étudiants « sociaux » ou « conventionnés » (gérés par des AISE)
La dernière idée n’est pas nouvelle ; elle s’inspire directement du projet d’ordonnance dite des « 25% », présentée en début d’année 2024.
Certes, comme nous l’avions évoqué dans notre analyse de mars 2024, le mécanisme n’est pas parfait et pourrait avoir certains effets « pervers », mais ses principes peuvent constituer une source d’inspiration pour un projet d’ordonnance sur le logement étudiant qui intégrerait donc l’obligation d’un « quota » de logements étudiants sociaux dans chaque projet privé.
Le rapport d’experts présidant à l’élaboration d’un nouveau règlement régional d’urbanisme (Good Living) avait clairement consacré une partie de son analyse à la pénurie de logements étudiants abordables :
Ce type de logement est en pénurie, la spéculation immobilière est forte et un besoin de régulation se fait urgemment ressentir à cet égard.
Cependant, le projet de nouveau règlement passé à l’enquête publique et actuellement en stand-by ne s’inquiétait pas (ou n’avait pas les moyens) du caractère abordable des logements étudiants. Ce n’est effectivement pas l’outil pour réguler la destination sociale d’un logement.
L’ARAU enjoint donc le futur gouvernement bruxellois à intégrer dans ses priorités la question du logement social étudiant qui mérite un encadrement légal et spécifique par voie d’ordonnance. La démultiplication des demandes de permis ciblant les kots est le signe d’une rentabilité évidente pour la promotion privée, mais pas forcément pour la collectivité : d’une part ils ne répondent pas à l’urgence de disposer d’un plus grand nombre de logements étudiants accessibles (l’offre créée s’adresse à des étudiants qui peuvent s’offrir une location classique) d’autre part, la rentabilité du « produit » défavorise la production de logements classiques, aux retours sur investissements moins bénéfiques…