Dans le Quartier Nord, nous sommes nombreux à admirer cette nouvelle perspective : cela fait longtemps que la gare n’avait pas été aussi visible ! Coincée à l’ombre des tours environnantes et surtout du CCN, la gare était totalement absente du paysage urbain. La démolition du CCN permet désormais, pour la première fois depuis longtemps, un nouveau point de vue sur ce bâtiment mal-aimé qui ne manque pourtant pas de caractère, mais aussi sur l’église royale Sainte-Marie, qui le surplombe en arrière-plan.
Œuvre des architectes Paul et Jacques Saintenoy et Jean Hendrickx-Van Den Bosch, il s’agit d’un bâtiment moderniste aux accents classiques, édifié entre 1938 et 1956 dans le cadre des travaux de la jonction Nord-Midi, en remplacement de la première gare du Nord, qui était située place Rogier. Jusqu’en 1974, sa façade principale était longée par une esplanade réservée aux trams et piétons, laquelle a disparu au profit de la construction CCN, bâtiment qui tient une place de choix dans le nouveau quartier Manhattan. Ce dernier est réhaussé dans les années 1990, écrasant par là-même encore un peu plus la gare du Nord.
Aujourd’hui, le CCN a été démoli : retour à la situation de 1974. La gare du Nord est à nouveau visible, mais pour combien de temps ? Dans le cadre d’un projet immobilier récemment soumis à l’enquête publique, mais toujours sans permis (voir notre analyse sur le sujet), quatre nouvelles tours sont prévues à la place du CCN. Ces tours auraient pour effet d’à nouveau obstruer les perspectives qui s’offrent aujourd’hui aux yeux des visiteurs, tant sur la gare que sur l’église royale Sainte-Marie derrière elle. La gare du Nord mérite-t-elle d’être à nouveau invisibilisée ? Pourquoi ne pas lui permettre de retrouver une visibilité dans l’espace public, et dans la carte mentale des Bruxellois ? Pourquoi ne pas partir de cette nouvelle lisibilité de l’espace public pour lui reconférer une échelle humaine, qui fait cruellement défaut dans le quartier ?
Parce qu’un bâtiment invisible, c’est un bâtiment qu’on oublie, et dont la disparition, si elle était voulue par certains décideurs, n’émouvrait personne. D’autant que la gare n’est pas classée : certes, début 2023, l’affaire de la vente des bancs de bois de la gare, par la SNCB, avait mis l’édifice sous le feu des projecteurs. Plusieurs associations (dont l’ARAU) en avaient profité pour demander son classement, intérieur, extérieur et mobilier compris. La Commission Royale des Monuments et Sites avait appuyé la démarche tandis qu’une pétition en ce sens avait même récolté plus de 2000 signatures. Mais la Région a préféré ouvrir une procédure d’inscription sur la liste de sauvegarde (moins contraignante qu’un classement), afin de ne pas entraver l’adaptation du bâtiment aux exigences techniques liées à l’activité ferroviaire, mais aussi de ne pas s’encombrer de périmètre de protection afin de penser le paysage urbain dans son ensemble.
Classement ou pas, la gare du Nord mérite en tout cas d’être remise sur le devant de la scène. Elle constitue en effet un patrimoine d’exception qu’il convient de protéger, et de mettre en valeur. C’est d’ailleurs ce patrimoine existant qui constitue le meilleur levier pour développer un quartier habitable et agréable. C’est elle, la gare du Nord, qui doit devenir un point de repère pour les habitants, usagers et visiteurs du quartier, et non de nouvelles tours ! Montrons qu’il est enfin possible de tirer parti du bâti déjà là : le quartier Nord ne doit pas faire exception ! Apprenons à ouvrir les yeux, pour ne pas perdre ce qui s’offre à nous aujourd’hui !
L’ARAU est actuellement sollicité pour lancer une mobilisation en faveur d’une non-reconstruction devant la gare…. Rappelons que le permis de démolition du CCN était assorti de plans de réaménagement de la dalle sous forme d’espace accessible au public (guinguette, terrain de sport, aire de jeux pour enfants, etc.) qui pourra profiter aux habitants du quartier, aux navetteurs et aux occupants des bureaux, tout en recréant un véritable parvis de gare.
