Enquête publique sur le réaménagement du boulevard Clovis : patrimoine et mobilité active ne sont pas incompatibles

Enquête publique sur le réaménagement du boulevard Clovis : patrimoine et mobilité active ne sont pas incompatibles

La Ville doit promouvoir la mobilité active en respectant son patrimoine : la valeur historique et urbanistique du boulevard, et du quartier dans son ensemble, n’est pas une contrainte mais un atout pour accueillir une promenade piétonne ! Bien plus, la Ville ne peut continuer à tenir le discours trompeur et limité selon lequel ces deux dimensions seraient inconciliables.

Le projet de réaménagement du boulevard Clovis, porté par la Ville de Bruxelles, est actuellement soumis à enquête publique. Si l’ARAU souscrit bien évidemment aux objectifs d’amélioration de la mobilité des piétons et des cyclistes, il estime également que cela ne peut se faire sans une prise en compte du patrimoine existant, qui ne doit pas être opposée à ces ambitions louables : l’importance patrimoniale de l’artère, qui doit être comprise et considérée comme une composante urbanistique et historique spécifique d’un ensemble (le Quartier des Squares), mérite attention et respect. Or cette dimension semble totalement absente du projet de la ville : la relecture de celui-ci, de l’avis de la CRMS et du récent Guide des espaces publics bruxellois nous révèle à quel point la plupart des bonnes pratiques en termes d’aménagement des espaces publics ont été balayées du revers de la main.

  • Sur la berme centrale, qui perdrait la moitié de sa surface végétalisée au profit d’une promenade piétonne bétonnée, le projet ajouterait une multitude de nouvelles installations à l’implantation mal réfléchie, et dont les dimensions variables viendraient briser le caractère linéaire de l’artère et romprait l’harmonie qui existe entre le boulevard et le square Ambiorix (dont il constitue la continuité). Comment, dès lors, parler de conservation d’un « profil historique » et de végétalisation comme l’annonce la Ville ?
La berme centrale verdurisée perdrait la moitié de sa surface végétale mais aussi sa linéarité qui participe à un effet de perspective vers le square Ambiorix. Les pavés seraient eux aussi amenés à disparaitre (source : Streetview sur Google.maps).
  • Les pavés de la voirie disparaitraient (presque) totalement (et sont déjà en cours de disparition, avant même l’octroi du permis) : l’ARAU a déjà montré à maintes reprises les avantages économiques, écologiques et patrimoniaux du maintien d’un revêtement en pierres naturelles correctement posé et entretenu. Celui-ci peut aussi jouer un rôle dans la réduction de la vitesse des véhicules, et est tout à fait compatible avec les exigences de la mobilité active : il existe une foule d’exemples, à Bruxelles et dans d’autres villes reconnues pour leur cyclabilité, d’infrastructures cyclables confortables sur pierre naturelle (pose de pavés platines, insertion de couloirs cyclistes en dalles de granit, réduction de la largeur des joints entre les pavés, etc.).
  • Plus largement, l’ARAU dénonce le manque de sobriété des aménagements annoncés : piste cyclable en asphalte ocre, trottoirs en pavés platines, voirie asphaltée, promenade bétonnée… un patchwork de matériaux et de couleurs qui n’a pas grand-chose de commun avec la belle harmonie et sobriété de la pierre bleue et des pavés, et qui ne cadre pas avec les recommandations relatives à l’aménagement des espaces publics historiques.
Coupe du futur aménagement du boulevard Clovis et description des matériaux utilisés pour les revêtements (source : Présentation aux riverains du projet de réaménagement du boulevard Clovis, 01/10/2019).

À l’approche de la commission de concertation, l’ARAU invite la Ville à relire l’analyse patrimoniale du boulevard, les recommandations du Guide des espaces publics bruxellois, ainsi que l’avis de la CRMS. Tel que conçu actuellement, le projet menace les qualités patrimoniales et urbanistiques non seulement du boulevard, mais aussi du Quartier des Squares dans son ensemble. L’argument « mobilité active » est ici utilisé à mauvais escient pour justifier ce saccage patrimonial : or il est tout à fait possible de rencontrer les revendications piétonnes et cyclistes sans pour autant dénaturer un espace public d’une telle qualité. Dans tout projet urbanistique, il est primordial d’adopter une démarche inclusive en intégrant différentes dimensions (écologie, habitabilité, mobilité active, patrimoine, etc.), toutes aussi légitimes les unes que les autres. Concevoir un projet en ne se focalisant que sur un seul type d’usage de l’espace ne permettra pas d’atteindre l’intérêt général mais laisserait le champ libre à une vision strictement fonctionnaliste des aménagements urbains.

Le boulevard Clovis mérite une restauration soignée, sobre et durable, qui devra permettre de faire droit tant aux exigences de la mobilité active qu’à la préservation du patrimoine exceptionnel que constitue le boulevard. Il ne devrait pas être – et il n’est pas – nécessaire de faire un choix.