Avec les travaux prévus autour de la Bourse, le site archéologique du musée Bruxella 1238 n’est pas valorisé mais perd au contraire son intégrité. Le rapport des archéologues a été enfoui… La Ville a en effet escamoté une note technique rédigée en 2014 par les experts de la Société Royale d’Archéologie de Bruxelles qui dénonçait clairement l’impact des travaux sur le site.
L’ARAU s’est opposé au projet de Beer Temple dans la Bourse depuis son annonce dans la presse, entre autres parce qu’il a été conçu sans concertation préalable sur l’opportunité de ce projet. Pour le résumer, l’ARAU écrivait en 2016 : « programme soustrait au débat, projet boîteux »[1]. Les Bruxellois ont donc été informés a posteriori des décisions. Si c’était d’abord la fonction choisie de musée de la bière que l’ARAU regrettait (en déplorant une folklorisation du centre-ville, et en proposant un projet alternatif de parlement régional, plus en lien avec les citoyens qu’avec les touristes), l’ARAU craignait également les conséquences patrimoniales de ce projet touristique sur l’authenticité du bâti, qui se sont malheureusement confirmées dans le projet retenu (éventrement du socle, sky bar avec gaufre sur le toit, entre autres…). Selon la presse, la Ville de Bruxelles devait obtenir le permis fin septembre.
Aujourd’hui, le scandale qui touche aux vestiges archéologiques du musée 1238, révélé par BX1[2] et par la diffusion d’une pétition[3], est une nouvelle illustration à la fois du manque de transparence dans la conception du projet, mais aussi de ses impacts dévastateurs sur l’intégrité d’un patrimoine bruxellois pourtant emblématique.
Les vestiges de la ville fragilisés par la Ville
Pourtant, un rapport détaillé de la Société Royale d’Archéologie de Bruxelles (SRAB), dont les archéologues ont fouillé le site, a été rédigé en février 2014 et transmis à la Ville de Bruxelles et à la Direction du service archéologique de la Région : ce rapport, écrit bien en amont des procédures de demandes de permis, et clairement défavorable aux travaux proposés, n’a été mentionné dans aucun des dossiers à l’enquête publique et n’a reçu aucune publicité ! Selon ce rapport, loin de revaloriser le site archéologique, les travaux envisagés dénatureraient les artefacts et tout le parcours muséal, bien réfléchi à l’époque pour préserver l’intégrité des découvertes. Alors comment justifier une telle présentation des travaux de réaménagement qui paraissaient très accessoires tant dans le dossier de la Bourse que dans celui des espaces publics (« pour le site archéologique, prière d’aller voir l’autre dossier ») ?
Le manque de transparence orchestré par la Ville de Bruxelles est inadmissible : le musée Bruxella 1238 n’est pas valorisé mais fragilisé ! En réalité, l’authenticité des vestiges du 13e siècle, percés ou rabaissés en plusieurs endroits pour créer le nouveau parcours et l’entrée à partir de l’immeuble de la Bourse, serait ébranlée. Le projet du centre d’expérience de la bière promu par la Ville et la piétonisation qui l’accompagne piétine littéralement les artefacts du musée à des fins touristiques. Y-a-t-il eu une évaluation de la situation muséale du fonctionnement actuel de Bruxella 1238 avant d’en proposer une rénovation ? Y a-t-il eu une recherche d’alternatives moins lourdes pour mieux valoriser les vestiges ?
Conclusion de l’ARAU
La Ville a donc trompé le public en laissant croire dans les dossiers soumis à enquête publique que le projet de Beer Temple valoriserait les vestiges médiévaux qui sont des traces de son histoire. En réalité la législation internationale impose le respect de l’intégrité et de l’authenticité des vestiges. Le dossier soumis à enquête publique minimise les atteintes à ce patrimoine. On y parle d’écrêter quelques artefacts, pas de créer des passages à travers les murs. Bien que prévenue en temps et en heure du caractère inadapté de la proposition des architectes, la Ville n’a pas recherché d’alternatives. Elle n’a pas fait la démonstration de l’impossibilité de faire autrement.
La Ville est juge et partie dans ce dossier et elle a imposé unilatéralement le projet et manipulé la décision, parce qu’à ses yeux, la piétonisation de l’espace public à des fins touristiques était l’objectif prioritaire. Mais on ne fait pas l’histoire en détruisant l’histoire.
La Région doit intervenir !
À MEDITER PAR LA VILLE : LE TERME « RÉCOLLETS » VIENT DU LATIN « REPRENDRE, SE RESSAISIR[4] ».
LES RÉCOLLETS : CEUX QUI RETOURNENT A LA RÈGLE INITIALE
[1] L’ARAU précisait : « Plutôt que d’investir aux côtés de la Fédération des brasseurs belges dans un « Centre d’expérimentation de la bière », en imposant un projet spécifique, la Ville de Bruxelles devrait expérimenter un débat public et transparent relatif aux objectifs d’une réaffectation qui concerne tous les Bruxellois.» Analyse du 19 août 2016 « La Ville avait cru bon d’insérer, dans le cahier des charges de l’appel de marché le paragraphe suivant : « (Le projet) doit à l’instar de certains palais culturels internationaux proposer aux visiteurs un lieu d’expériences, de débats, de liberté, d’appropriation, de transparence. » « C’est justement la revendication de l’ARAU qui estime que le public ne doit pas être informé a posteriori mais associé à la définition même des projets en jouissant d’ une réelle capacité d’orientation. Être propriétaire des murs ne donne pas à la Ville tous les droits. » Analyse du 4 octobre 2016
[3] Plus de 1.000 signature en date du 11 octobre 2018 http://www.petitions24.net/vestiges_en_peril_a_bruxelles_sauvez_bruxella_1238
[4] Voir le livre de Jacques van Wijnendaele, Promenades dans les Abbayes de Bruxelles, éditions Racine, 2007