Ans Persoons passe sous silence les conclusions d’une étude historique recommandant le maintien et la restauration du square de la Maturité. L’ARAU la publie !

Ans Persoons passe sous silence les conclusions d’une étude historique recommandant le maintien et la restauration du square de la Maturité. L’ARAU la publie !

Comme nous l’écrivions fin janvier, le refus de classer la Maturité (l’œuvre de Victor Rousseau et le square public au sein duquel elle se trouve) n’est pas fondé sur des considérations scientifiques (valeurs historiques et urbanistiques de l’ensemble) mais sur l’« appréciation » du gouvernement selon laquelle l’aménagement actuel de cet espace public contreviendrait au projet de réaménagement voulu par la Ville de Bruxelles. Ce projet de réaménagement, qui découle du masterplan « coteaux du Pentagone », n’étant pas (encore) public, rien ne permet de juger d’une incompatibilité du square actuel avec la volonté de la Ville de verduriser les lieux. Il faudrait donc croire sur parole la secrétaire d’État Ans Persoons quand elle affirme qu’il n’y a d’autre solution que de déménager la statue et de faire table rase du square. Afin de justifier ce choix, Ans Persoons laisse entendre, dans sa réponse à des interpellations au Parlement le 31 janvier, que « la Maturité n’a[yant] pas été spécifiquement conçue pour son emplacement actuel », l’ensemble composé de la statue et du square n’aurait donc ni cohérence ni valeur patrimoniale, ou du moins pas assez  pour être protégé. Ce faisant, elle occulte les conclusions d’une étude historique, de 2022, commanditée par la Ville de Bruxelles dans le cadre de la demande de permis de réaménagement. Cette étude est pourtant très claire dans ses conclusions (voir l’intégralité du texte de la conclusion en fin d’article) quant à la valeur de la statue et du square comme ensemble cohérent : « si l’œuvre La Maturité fut créée avant le square, en revanche, le square a été pensé en fonction du monument » ; « la valeur artistique, urbanistique et historique du square ne saurait, selon nous, être réfutée ».

En passant sous silence ces conclusions, la secrétaire d’État réduit le débat à la seule question de l’œuvre de Victor Rousseau (par ailleurs considérée comme un chef d’œuvre par l’étude historique). Or, c’est bien la préservation du square de la Maturité dans son ensemble, en tant qu’espace public remarquable et d’intérêt historique, qui est en jeu ! Tout projet de réaménagement de l’espace public doit faire l’objet d’un débat public informé et éclairé, c’est pourquoi il nous semble indispensable de diffuser cette étude afin que chacun puisse en prendre connaissance et confronter ses conclusions aux différentes déclarations politiques et aux motivations de l’arrêté de refus de demande de classement.

Pour l’ARAU le square de la Maturité doit être préservé, restauré, et intégré au projet de réaménagement souhaité par la Ville et la Région.

Texte des conclusions de l’étude historique

5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Au terme de cette recherche approfondie, il apparaît que le monument et le site étudiés sont l’œuvre de trois représentants majeurs de l’art du début du XXe siècle. Victor Rousseau était alors considéré comme l’un des meilleurs sculpteurs belges en activité. François Malfait, en tant qu’Architecte de la Ville Bruxelles, était indissociable des travaux publics entrepris à l’époque. D’ailleurs, trois de ses réalisations marquent encore aujourd’hui les accès depuis le bas de la ville vers le Parc de Bruxelles : l’immeuble de la rue des Colonies, l’escalier monumental de la rue Baron Horta et le square étudié.
Quant à la figure de Jules Buyssens, son importance en matière d’architecture paysagiste est absolument incontestable, dans la première moitié du XXe siècle, en Belgique.
La collaboration entre ces trois intervenants a pu clairement être attestée, puisque l’aménagement et les plantations du square ont intégré les volontés du sculpteur ; tant et si bien qu’il est permis d’affirmer que, si l’œuvre La Maturité fut créée avant le square, en revanche, le square a été pensé en fonction du monument.
L’étude artistique a, par ailleurs, démontré que La Maturité faisait partie des chefs-d’œuvre de Victor Rousseau, motivant ainsi son acquisition par la Ville de Bruxelles et son placement au cœur de la cité. S’agissant potentiellement de la première œuvre rencontrée par les voyageurs au sortir de la Gare Centrale, elle était censée afficher et exalter les qualités et le savoir-faire des artistes belges. Dans son contexte historique de création, le monument de Victor Rousseau était donc perçu comme une fierté nationale qu’il fallait exhiber ostensiblement.

Le square peut également être considéré comme un ouvrage représentatif du travail mené par François Malfait. D’une part, il y fait preuve d’une capacité d’adaptation analogue à d’autres chantiers dont il a la charge. D’autre part, en représentant de l’éclectisme, il participe avec Paul Saintenoy et Gaston Deru à la formation d’une esthétique urbaine commune qui lie les constructions du début du XXe siècle aux architectures historiques de la place Royale. Par la répétition d’un motif emprunté à Barnabé Guimard, le square de Malfait s’inscrit dans une certaine cohérence stylistique avec son environnement urbain direct (les immeubles de la Caisse Générale de Reports et de Dépôts et de l’Union minière du Haut-Katanga) et indirect (les édifices de la place Royale). Il établit ainsi une connexion visuelle entre le haut et le bas de la Ville, sachant que la rue Montagne du Parc, au bas de laquelle le square a été aménagé, constitue l’un des accès historiques vers le Parc de Bruxelles.

La présentation du chantier de la Jonction Nord-Midi et des réaménagements qu’il engendra en surface a révélé que, parmi les architectures situées dans l’environnement immédiat du square, seule la destruction des bâtiments néoclassiques de la Société Générale a affecté la perspective vers le site. La plupart des bâtiments contemporains à la création du square sont toujours en élévation actuellement.

À la lumière des conclusions de cette étude, la valeur artistique, urbanistique et historique du square ne saurait, selon nous, être réfutée. Nous préconiserions donc de procéder au remontage des balustrades de Malfait, sans lesquelles la cohérence esthétique démontrée, entre le haut et le bas de la cité, perdrait en substance. Il faudrait également recréer les parterres ornementaux et les chemins, ainsi qu’appliquer un nettoyage à la sculpture, fortement noircie par la pollution. Enfin, il semble indispensable de recréer le bosquet imitant un environnement à l’italienne à l’arrière du monument, tant il constituait un impératif absolu pour Victor Rousseau.

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