L’accès au logement abordable et à la qualité du cadre de vie urbain constituent les sujets de préoccupation à l’origine de la création de l’ARAU. En 2022, le centenaire des cités-jardins a constitué l’occasion de réaffirmer cet intérêt à la fois d’un point de vue historique, contemporain et prospectif: l’ARAU a, à cette occasion, décidé de concevoir un nouveau cycle de visites guidées destiné à sensibiliser le public au patrimoine exceptionnel que constituent les logements ouvriers, cités-jardins et logements sociaux à Bruxelles, à travers toute la Région pour mieux penser les défis contemporains et l’avenir de cet héritage social remarquable et fondamental pour la qualité de vie que la Région peut offrir à ses habitants.
Dans les deux années qui ont suivi, le cycle s’est enrichi de nouveaux parcours, mais surtout, la matière rassemblée pour la préparation de ces visites a permis à l’ARAU de créer, en collaboration avec un collectif de graphistes (Moxs) et avec le soutien de la Cellule Architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, une série de trois cartes exploratoires, nommée Habiter Bruxelles. Leur but ? Permettre aux curieux de parcourir eux-mêmes les plus beaux ensembles de logements sociaux et cités-jardins, à Schaerbeek, à Molenbeek et dans les Marolles. Le souhait de l’ARAU est évidemment d’enrichir cette collection au fil des années et des soutiens, notamment de la part des communes concernées.
En décembre 2024, l’ARAU s’est vu décerner le Prix du Patrimoine de la commune de Schaerbeek pour la carte exploratoire Habiter Schaerbeek. L’obtention de ce prix constitue une première et très belle reconnaissance du travail de l’association quant à la sensibilisation au patrimoine social Bruxellois. À l’occasion de la remise du prix, l’ARAU a d’ailleurs eu l’occasion de donner une conférence sur l’histoire du Foyer Schaerbeekois, première société publique de logement à Bruxelles (et certainement de Belgique) : une histoire multiforme, à la croisée de l’histoire sociale, politique, économique, architecturale et urbanistique. L’étude ici présente reprend la matière rassemblée pour la préparation de ladite conférence, augmentée de quelques focus et nombreuses précisions qui n’ont pu y être énoncées.
Retracer la naissance et l’évolution des productions du Foyer Schaerbeekois, première société de logement publique à Bruxelles, et peut-être même en Belgique, se révèle être un exercice extrêmement riche et précieux pour mieux appréhender l’histoire plus générale tant politique, qu’urbanistique et architecturale des logements sociaux à Bruxelles. Sous l’impulsion de certains grands noms de la politique et de l’architecture, le Foyer Schaerbeekois a su faire preuve d’une politique précoce et volontariste pour répondre à une demande sociale, qui n’était alors que très peu considérée par les contemporains.
Mais cette histoire de la lutte pour le logement abordable, dans laquelle le Foyer Schaerbeekois a indéniablement joué un rôle primordial à Bruxelles, est loin d’être terminée. Il faut dire que les enjeux sont de taille : d’une part, aujourd’hui, à Bruxelles, près de 60 000 ménages sont en attente d’un logement social. Continuer de créer du logement, en construisant et en reconvertissant des bâtiments actuellement affectés à d’autres fonctions est donc indispensable. D’autre part, le patrimoine des Sociétés immobilières de Service public (les SISP) se fait vieux (pour le Foyer Schaerbeekois, plus de 50% de ses logements sont antérieurs à 1939) et nécessite donc d’importantes rénovations pour continuer d’offrir un certain confort à ses locataires. Le masterplan lancé en 2015 répond à cette préoccupation.
Si l’on peut déplorer la démolition de certains immeubles, le lancement de ce masterplan semble aussi démontrer que le Foyer Schaerbeekois perçoit l’intérêt architectural et patrimonial de ses ensembles. Un intérêt dont toutes les sociétés de logement social ne semblent pas conscientes. Mal documenté, mal connu, peu étudié, ce patrimoine social est, à l’heure actuelle, très fragile et mérite un très gros effort de sensibilisation auquel l’ARAU prend activement part. Les constructions encore existantes, qu’il s’agisse de petits immeubles de l’Entre-Deux-Guerres ou de tours modernistes, ont souvent eu peu de poids face aux exigences du confort moderne et des normes de performance énergétique : victimes d’un manque d’entretien chronique, certaines ont déjà été rayées de la carte ou sont en passe de l’être. Citons en exemples l’immeuble de la rue des Potiers à Bruxelles, démoli en 2024, ou les « Cinq Blocs » du Rempart des Moines, promis à la démolition parce que « pas rénovables ». Plus récemment, à Woluwe-Saint-Lambert, ce sont les quatre petits immeubles de style Paquebot, propriété de la société L’Habitation moderne, qui devraient prochainement être détruits et remplacés par un ensemble contemporain, pour n’illustrer cette nouvelle inquiétude seulement de quelques exemples.
Militer pour le logement social, c’est aussi militer pour la reconnaissance, la rénovation et la mise en valeur des ensembles les plus anciens. La création par l’ARAU, en 2022, d’un cycle de visites guidées le patrimoine social bruxellois, couplée, l’année suivante, à la conception de cartes exploratoires, a clairement répondu à cette revendication : l’histoire architecturale et urbanistique bruxelloise ne s’écrit pas seulement à travers celle des hôtels de maitres éclectiques et des maisons Art nouveau ; les logements ouvriers, cités-jardins et logements sociaux, qui constituent une part non-négligeable du bâti bruxellois, doivent être relevées au même niveau de considération et d’attention, d’autant plus qu’ils recouvrent une destination sociale et un intérêt général fondamental pour Bruxelles ! L’ARAU espère donc aussi participer à redorer ce patrimoine qui ne mérite clairement pas d’être dénigré et stigmatisé dans l’opinion publique et du côté de nos élus, et ne désespère pas que cette reconnaissance soit à la base d’une nouvelle politique volontariste !